Je suis Alice.
C'est un prénom commun, c'est vrai. Toutefois je le porte bien sous mes traits de métisse.
Dans les ombres, je distingue les douces silhouettes de mes hommes de main. Ils se tiennent droit, presque au garde-à-vous, sur mon passage. Nul ne les remarque, fondus dans les ténèbres, moi seul distingue leurs iris assoiffés, et les muscles de leur cou tendus. Cela fait bien cinq mois qu'ils ne se sont abreuvés. Et ils tiendront encore autant de temps si je l'exige. Mais ce soir, je ne demande rien.
Sur un hochement de tête, ils s'éloignent. Loin de la frénésie qu'on aurait pu apprendre, ils marchent tranquillement, d'un pas assuré. Même la plus jeune, à peine sortie du stade de nouvelle née se comporte bien.
Il faut dire qu'à la moindre erreur, Seita, mon lieutenant n'hésitera pas à la saigner... Il y a de quoi refroidir les ardeurs...
Je marche.
Vivant moi-même en ascète depuis près d'une année, je sais leur désarroi. Leur admiration aussi. Mes forces ne déclinent pas, je ne le veux pas. Ce corps fragilisé reste debout grâce à la force de la volonté. Et je ne laisse personne me démontrer le contraire.
Je marche.
L'aube est douce. Une lumière tiède enveloppe les premiers élèves qui entrent, insouciants. En effet, ils ne savent rien des cinq nouveaux élèves, soit-disant étudiants japonais venus étudier aux Etats Unis pour un moment. Je ne cherche même pas à éviter les regards qu'on me jette... Je suppose qu'une demoiselle aux longs cheveux de jais, vêtue d'un jean, d'un chemisier et d'une veste d'uniforme scolaire quelque peu customisé ne doit pas passer inaperçue.
Navrée de ne pas avoir sortie la panoplie de l'élève japonaise sur lesquelles des hommes du monde entier fantasment, je ne suis pas un jouet!
Je brave leur regard. promène mes iris noirs sur leur peau fragile, la glace en une fraction de seconde.
De ma manche jaillit un jeu de cartes. La partie peut commencer.
Première à sortir.
Le roi de coeur, visage lointain peint sur un morceau de papier aquarelle vieillie, c'est une figure japonaise, incroyable de précision, aux longues mèches blondes, et aux yeux d'or.
Seita est un artiste.
Ce jeu de cartes est son oeuvre. Aussi répugne-je à m'en séparer, de même que je ne quitte pas ce pendentif d'or blanc qui attire les regards. Volutes et pierreries embrasent le moindre rayon de lumière, le faisant exploser entre les mille facettes de la pierre précieuse.
Le premier, le jeune vampire aux yeux d'or revient. Semblable au roi de coeur, il est le premier né du cercle. Nos destins sont entremêlés depuis que cette voiture l'a renversé alors qu'il rentrait, son matériel de peintre sous le bras.
Il la regarde un moment. Lumière. La couleur de ses iris est trop claire, trop pure pour qu'il soit un vampire... et pourtant, son sang figé, sa peu blème...
"Alors?" lui demandent mes yeux.
"Elle a craqué." répondent les siens.
Nous ne sommes plus que quatre pour la trouver.
La prochaine recrue du Cercle.